Politique

En Marche… mais militaire

Il y ce que l’on voudrait que le changement soit, et il y a ce qu’il pourrait être.

Le parcours d’Emmanuel Macron est brillant. Même si sa victoire est aussi l’échec des autres, il illustre le sens de l’opportunité. Celle d’avoir capté le moment de faiblesse et d’usure d’un système, pour déclencher une nouvelle offre politique.

en marche militaire

Un sens marketing évident, raisonné, réfléchi, et construit.

Comme évoqué dans le post « moraliser n’est pas moderniser », il reste dans les signes visibles de communication « En Marche » des vestiges de la plus grande culture institutionnelle : l’image, le statut,  par le savoir notamment, et une forme d’élitisme.

Ce dernier s’illustre par un vocabulaire parfois très soutenu, certains discours aux élans théâtraux, mais aussi des phrases spontanées, moins contrôlées, comme « les enfants dont les parents n’ont pas réussi »…Aïe…Ça veut dire quoi réussir?

Il y a dans ces signes institutionnels la culture du contrôle. Celle de la communication, ce qui d’ailleurs n’est pas que négatif quand on a subi pendant cinq ans, dix ans, les débordements permanents des plus anecdotiques au plus dérisoires. Mais au-delà de ce qui est dit, il y a ce qui est exprimé : dans les attitudes, dans les postures, dans les décisions.

Benjamin GRIVAUX, le porte-parole d’ « En Marche », illustre assez bien cette posture du contrôle. Je l’écoute et le regarde dans les débats. Il reste dans une attitude de « communication émise »,  par lui, et d’une certaine condescendance. Il est le plus souvent absent d’une « communication d’écoute », et de confrontation à une opinion discordante pour lui, et divergente du message unique émis, par lui. Contrairement à Christophe CASTANER, qui s’engage bien plus dans la relation de communication : se confronter à la question de l’autre, rester dans un flux de réponses.

Peut-être faudrait-il accompagner Benjamin GRIVAUX à considérer que porter la parole intègre aussi la notion d’écoute, et d’acceptation de la parole de l’autre. Un reste peut-être de l’élitisme si français du diplôme, dont certains, pas tous, sont formés à la certitude, à ne pas douter, et surtout pas d’eux-mêmes. Le statut, encore, mais pas la posture.

en marche militaire

Il y a un autre point qu’il sera intéressant d’observer, sans aucune affirmation aujourd’hui : ce sera l’espace d’expression libre des députés nouveaux, et de courants variés au sein de la majorité. Car ces « néo-députés » ont aussi rejoint EM avec des attentes de renouveau, de modernité. Comment réagiront-ils s’ils sont contraints d’entrer en religion d’obéissance institutionnelle, plutôt qu’exprimer une volonté de contribution en adhésion ?

La politique du  renouvellement des profils politiques est une excellente chose, même si les « routards » de la politique semblent dubitatifs, dans la douleur de perdre leurs acquis. Il y aussi dans ces réactions éloquentes toute la considération du politique portée au citoyen…En France, « être issu de » vaut toujours mieux qu’ « aller vers ».

Notons quand même que certains de ces politiques seront eux-aussi novices : dans le monde du travail, dans la confrontation à une forme de réalité, même protégée.

Pour que ce changement devienne un nouveau mode de fonctionnement politique, structurel, il devra dépasser la dimension marketing, et éviter un risque : faire élire des novices pour mieux contrôler leur adhésion, leur soutien, leur vote.

Ce serait alors la pire expression de cette culture institutionnelle traditionnelle et archaïque, transmise et reproduite par l’ENA notamment : le contrôle par l’obéissance. Une forme de perversité : soumettre le noviciat à l’autorité du statut du chef, associé à son pendant narcissique, garder le contrôle pour exercer le pouvoir.

La relation est donc une modernité, le contrôle un archaïsme.

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Je souhaite sincèrement qu’Emmanuel Macron s’appuie avant tout sur une posture de légitimité, comme il l’a exprimée durant sa visite à Berlin au lendemain de son élection, et sur une capacité de relation, de délégation, d’acceptation.

Il éviterait ainsi le « syndrome de Nicolas » : aller chercher sa reconnaissance narcissique à l’extérieur, et exercer son contrôle à l’intérieur par recours au contrôle hiérarchique. Toujours ce travers institutionnel : attirer les grâces de son patron, ou du pouvoir, et exercer son propre pouvoir arbitraire sur ceux qui dépendent de son autorité hiérarchique. Narcissisme et perversité.

La modernité est avant tout une question de mise en relation : celle du pouvoir avec les réalités, celle de l’idée avec ces réalités, celle de l’élu avec son rôle plutôt qu’avec son statut, son pouvoir, et son besoin de reconnaissance.

Une histoire en marche, et à suivre…

Le Guetteur

30 juin 2017

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