Réflexions

Moraliser n’est pas moderniser

Voilà donc revenu le fameux sujet  de moralisation de la vie politique…Etrange. L’existence même du sujet en dit long sur le besoin, et la réalité d’une certaine vie politique. Moraliser ce qui est immoral, ou amoral.

Alors moralisons la politique ! Mais comment au fait ?…Par la loi…encore, et encore cette vieille culture franco-française institutionnelle : la loi vaut pour action, et pour résolution du sujet. La culture du concept, de la communication : une forme de narcissisme institutionnel, dont se gratifient les législateurs et décideurs politiques.

moraliser n'est pas moderniser

« JE suis quelqu’un de bien, car je propose et vote ou fait voter des lois porteuses de sens, de morale ». Et ? C’est tout.

Une fois encore, l’acte est mis de côté. Le comportement est ignoré. Le sujet est traité par le trou de la serrure, et diffusé à renfort de grande visibilité médiatique.

La politique est-elle pourrie ? Bien sûr que non. Un nombre certains de politiques sont-ils pervers et narcissiques ? Bien entendu. C’est bien le pervers qui s’abrite derrière l’opacité de l’institution, laïque ou religieuse, qui détourne le bénéfice de l’institution pour son bénéfice individuel.

Moraliser la vie politique ? Non, moderniser la vie politique plutôt.

Moderniser pourrait signifier Investir l’acte, et désinvestir l’ultra-importance du décorum, de l’image, de la représentation comme outils de valorisation narcissique de ceux qui en usent et en abusent. Ce serait aussi développer une relation d’autonomie, plutôt que de dépendance, de contrôle.

Ce serait encore agir et développer un courage de la réalité, plutôt qu’éduquer à l’évitement, à l’arrangement avec le réel. Se confronter, plutôt que se cacher.

moraliser n'est pas moderniser

Moderniser pourrait s’acter par ;

  • La modification du financement des syndicats : développer le financement par les adhésions, plutôt que par les finances publiques. Rendre autonomes plutôt que contrôler, et faire évoluer la culture de paix sociale vers une autre de dialogue et cogestion.
  • Alléger le millefeuille français, repère des arrangements et structures d’opportunisme financier, ponction perverse d’une ressource financière collective qui nourrit le narcissisme de ses élus et dirigeants. Cela permettrait le recours permanent aux augmentations de ponctions financières sur les citoyens pour alimenter une machine inadaptée et indécente.
  • Favoriser l’autonomie dans le système éducatif, et abandonner la culture du contrôle par l’obéissance. Contrôle comme mode archaïque de relation, qui ne sert qu’à construire des images arrangeantes et masquer des réalités moins valorisantes : l’institution dans toute sa splendeur.
  • Développer une culture des élites administratives en lien avec le réel, et les accompagner à troquer le narcissisme du statut pour l’efficacité du rôle. Cela passerait par les mettre en situation de manière régulière avec le quotidien, au travers de vraies expériences, et éviter de faire passer un stage en préfecture pour un stage terrain, comme l’évoquait la directrice de l’ENA à la radio il y a quelques jours.
  • Supprimer le financement du patrimoine privé des députés, par la fin du remboursement de leur emprunt personnel pour l’achat de leur permanence sur les deniers publics.
  • Et enfin, supprimer locaux et personnels mis à disposition des anciens présidents de la république : ne sont-ils donc rien sans leur statut et attributs ?

Tout en reconnaissant la valeur de réussite dans le parcours d’Emmanuel Macron, j’observe le recours aux vieilles recettes institutionnelles franco-françaises : sur-communication construite, mise en scène de l’investiture, contrôle de chaque détail jusqu’à la théâtralisation, institutionnalisation de la fonction, déplacements des problèmes (Ferrand exfiltré)…

moraliser n'est pas moderniser

Le pape François est un de ces courageux, et sans aucun prosélytisme. Il met sa vie en risque chaque jour, en accompagnant l’institution religieuse à se dépouiller de ses artifices, et en s’opposant aux vices et à la perversité de cette institution, sexuels et financiers, trop longtemps couverts par la lâcheté, par l’abus.

Il réforme par l’action, par l’acte, par l’exemple, par la conviction, par l’engagement, par l’abandon de son bénéfice pour rendre à l’institution un lien de crédibilité et de confiance.

La modernité est une réforme : celle du renoncement, celle de la conviction, celle de la confiance.

Je souhaite à Emmanuel Macron de s’arranger avec son besoin de reconnaissance, avec son marquage de bon élève reconnaissant, pour investir  davantage un « avenir réformé », dépouillé de nos encombrements. La modernité de notre avenir collectif passe avant tout par la capacité de modernité individuelle de son  « chef ».

Jeunesse n’est pas modernité, c’est avant tout une question de relation à soi-même, et de relation au monde.

Comment envisager sinon de moderniser en s’appuyant sur les archaïsmes de notre culture collective ?

Plutôt Luther, que Jupiter.

Le Guetteur

26 juin 2017

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