Société

BFM TV : Turquie mon amie

La Turquie, un pays accueillant, qui favorise l’initiative et l’investissement… Durant le mois de mai, période d’emprisonnement de Mathias DEPARDON, BFM TV a diffusé en boucle un spot tv vantant les mérites d’accueil et de prospérité de la Turquie pour le business.

Comme dit une de mes amies : « J’y crois pas » !

Alors que la névrocratie turque est galopante, que le président purge et nettoie le pays, suite à un coup d’état dont on peut finir par se demander s’il n’en est pas l’instigateur, BFM TV est payé pour en faire un pays accueillant.

150 journalistes sont emprisonnés, les medias sont mis sous tutelle, des milliers de fonctionnaires ont été limogés. Nous ignorons d’ailleurs les traitements infligés à une partie d’entre ’eux…Et ? Bah…rien. BFM TV prend le pognon de la campagne de pub, et les journalistes continuent de faire leur job au chaud, quand leurs confrères sont en prison.

Et surtout, ces mêmes journalistes s’érigent en observateurs moralisateurs de la vie politique, voire en juges, s’acharnent de manière quelque peu obsessionnelle sur un sujet, ou sur une personne d’ailleurs, pour, dans le même temps, diffuser la valeur d’attractivité de la Turquie.

Pourquoi les politiques auraient-ils des comportements plus  irréprochables que ceux de certains journalistes, ou simples citoyens? L’avons-nous nous-mêmes ? Sommes-nous prêts à renoncer à un voyage de vacances dans un hôtel de luxe pas cher turc, au nom d’une dictature en tenue de salon ? Non…Enfin, modestement, en ce qui me concerne, évidemment.

Nous réclamons de la morale, de l’exemplarité…Mais quelle est la nôtre ? Regardons-nous le pays de production d’un article textile ou alimentaire ? Avons-nous des actes quotidiens si responsables envers l’autre ? Envers l’environnement ?

Nous souhaitons que nos entreprises soient irréprochables sur la RSE…pour nous éviter de nous engager individuellement. La bonne vieille culture institutionnelle franco-française et son fantasme de perfection de l’institution. Plus nous serons individuellement responsables, moins nous attendrons que nos institutions le soient, entreprises comprises.

Nous avons un pouvoir essentiel : celui de consommateur. Nous ne l’utilisons que très peu. Pourquoi ? Par narcissisme ordinaire. « JE » ne suis pas prêt à renoncer à « MA » gratification  individuelle pour nourrir un bénéfice collectif. Alors, que l’institution fasse le boulot à ma place.

Nous avons les politiques que nous méritons, car nous votons pour eux.

Nous avons les produits que nous méritons, car nous les achetons.

BFM TV a la morale qu’elle mérite, qu’elle en accepte ses propres limites, et surtout en accepte celle peut-être des politiques. A moins de revoir sa propre éthique et qu’elle soit à la hauteur de ses attentes vis-à-vis des politiques.

Après tout, le pognon n’a pas d’odeur.

Sur ce sujet, BFM TV représente si bien cette culture française de la bonne conscience quand elle donne des leçons de morale pour nourrir son narcissisme structurel, et accepte de manière perverse l’argent de ceux qui, financièrement, représentent un pouvoir : certains dirigeants africains, le Quatar, l’argent sale chinois, russe…

Toute la culture de perversité narcissique : je donne des leçons quand il n’y a pas de risque, et je louvoie devant le puissant. Typique de cette culture du manager pervers qui courbe l’échine devant celui qui détient une autorité sur lui, son patron, et maltraite ceux sur lesquels il ce statut d’autorité, ses collaborateurs ou tout individu dont le statut lui serait inférieur.

Les journalistes emprisonnés en Turquie seront certainement reconnaissants à BFM TV de leur soutien moral, de leur engagement éthique, de leur solidarité.

A quand une interview de Mathias DEPARDON sur le plateau de BFM TV ?

La responsabilité commence par la mienne, dans mes actes, pour éviter de projeter sur une institution imparfaite mes attentes de morale désengagée.

Certains journalistes sont comme de nombreux politiques, ils s’approprient les vertus supposées et construites de toutes pièces  des institutions qu’ils représentent, pour ne pas avoir à questionner leurs propres pratiques individuelles.

Il y a un prix pour tout : un prix à l’égocentrisme et la satisfaction immédiate, et un prix à leur renoncement.

Je préfère le deuxième. Il est peut-être un effort sur le moment, quoiqu’une conviction en demande assez peu, mais il est une satisfaction qui dure, qui nourrit, soi-même et les autres.

Le Guetteur

15 juin 2017

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