Réflexions

Faire face pour avancer

Comme je l’évoquais dans l’article « docteur Lumières et mister Machiavel », nous sommes collectivement gangrénés par la dualité d’un pouvoir à la française, dont le narcissisme se nourrit du siècle des Lumières et la perversité du Prince de Machiavel.

Mais nous sommes aussi bien arrangés de nous cacher derrière les vertus d’une Révolution sensée nous avoir libérée d’une culture de l’abus, pourtant si présente aujourd’hui encore. Il y a l’image accommodante de la libération, et la réalité plus difficile à constater : rien n’a changé.

Tout ça, tout ce sang, tous ces morts, pour…la même chose, autrement.

Nous continuons, de manière infantile, à vouloir croire en l’élévation réelle de notre culture collective, par évitement, par arrangement avec une réalité que nous ne voulons pas affronter : nous sommes des assassins. Nous avons décapité, égorgé des français pour ce qu’ils représentaient, pour s’accaparer leur pouvoir, leurs biens et s’arranger avec nos crimes mus en fait d’arme collectif et salvateur.

C’est pourtant cette culture très contemporaine de la revanche, de la jalousie, de l’envie, de l’aigreur qui continue d’animer nos rapports collectifs, entretenus par une culture de la division, seul mode d’autorité possible d’un pouvoir en faiblesse, en illégitimité, en limite.

Nous refusons de faire face à notre culpabilité pour ne pas envisager que nous ayons été trompés, que nous fassions fausse route depuis plus de 200 ans. Et on légitime ces valeurs incantatoires pas des nécessités, réelles à l’époque, mais gérées avec des moyens de violence, et d’abus dont l’excès était certes à la hauteur de ceux qu’ils étaient censés combattre, mais ont été un défouloir plus qu’une construction réelle.

Comme le disait monsieur Mélanchon, « un homme qui n’est pas violent n’est pas un homme »… Je suppose que chaque être humain qui la subit aura son avis sur le sujet… Si le seul socle autour duquel nous nous développons est cet esprit de revanche et d’opposition à l’autre, alors il est clair que nous avons encore à passer une étape de maturité dans la construction d’un projet collectif. Il est clair pour moi que nous n’avons toujours pas tiré les leçons et dépassé cette violence, qui continue de se diffuser de manière sournoise dans notre culture collective.

Nous avons mis un couvercle sur l’horreur humaine, pour s’enorgueillir un peu rapidement de ses effets salvateurs et bénéfiques, dans la création d’une vertu fantasmée, mais pas encore ancrée, appropriée. Un héritage qui continue de nous étouffer, et a engendré notre bonne vielle faculté à ne pas voir la réalité en face, à occulter, à éviter, à se détourner, pour ne pas avoir à gérer, ne pas être impacté, pour se rassurer, pour s’arranger.

Que diriez-vous si demain un individu supprimait son patron tyrannique, et prenait sa place dans l’entreprise, en déclarant le lendemain que l’esprit collaboratif était la nouvelle valeur de l’entreprise ? Vous adhéreriez de manière instantanée, à celui qui projetterai l’illusion d’une valeur, pour masquer et faire oublier son acte, à peine perpétré ?

Faisons face à notre réalité : nous avons tué pour jouir d’une liberté que nous réclamons de manière permanente et égoïste : « je veux pouvoir faire ce que je veux »… Et l’intégration de l’individuel dans un socle collectif ? Avec les autres, parmi les autres, et autour de ce qui nous rassemble réellement et collectivement ?

C’est le « projet » inachevé de 1789 et c’est la déficience de ce socle de groupe qui nourrit aussi, selon moi, ce narcissisme individuel, qui est un repli de dépit et de misère, par défaut et absence d’un rassemblement réel, concret, effectif et collectif.

Les nombreuses revendications communautaristes ou de groupe professionnels, sont aussi cette expression de pouvoir exister en « contre » plutôt qu’ « avec », puisqu’ « avec » n’existe que dans les fantasmes.

Alors acceptons davantage la réalité de notre histoire collective, notre responsabilité dans le sang versé, pour enfin dépasser ce qui était à détruire, pour reconnaître et consolider ce qui pourrait nous rassembler, dans les faits, plutôt que lutter contre des oppositions de statuts, propres à la société sociale, qui, s’ils sont gérés de manière décente, peuvent aussi permettre à chacun d’un développer son espace de satisfaction.

Nous n’avons toujours pas construit de projet collectif, car les politiques français n’en veulent pas, et ne sont pas en capacité d’en faire émerger.
Cessons d’attendre une Providence bienveillante du Pouvoir : il n’est ni papa, ni maman qui viendrait prendre soin de nous et nous nourrir. Ils ne veulent que la division collective, pour ramener nos potentiels à la hauteur de leurs incompétences et limites.

Agissons chaque jour au-delà de cette culture de l’aigreur et de la revanche. Dépassons-là pour avancer vers nos propres capacités de réaliser, chacun dans son univers, en satisfaction de ce que chacun peut créer, apporter, parmi les réalisations des autres.

Le Guetteur


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22 septembre 2016

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