Réflexions

Archaïsme relationnel et modernité technique

Notre valorisation du savoir est si forte que nous en faisons le cœur de la modernité. Comme si le facteur technologique suffisait à faire de nous des individus de progrès.

Une culture rationnelle, qui masque nos profonds archaïsmes en matière relationnelle : à l’autre, à l’environnement, à la réalité.

Le système et l’outil sont le cœur des sujets d’attention, et d’intentions, et au cœur de nos investissements de nouveauté, de renouvellement : une modernité. Un modèle qui utilise ce système et cet outil pour contrôler, pour dominer, voire soumettre : un archaïsme.

Pourquoi un archaïsme ? Peut-être parce que la culture de l’outil renvoie à l’Homo Faber, il y a 2.5 millions d’années en arrière…

Bien sûr, c’est subjectif, c’est une prise de position non objectivement et techniquement argumentée…

Nous construisons donc notre système collectif sur la valeur technique, en nous détournant avec arrangement de la dimension comportementale. Combien de fois entendons-nous : « Il est brillant », ou « il est charismatique », alors que les profils concernés peuvent aussi être manipulateurs, pervers, toxiques. Je l’entendais encore dans commentaire sur un technicien danois soupçonné du meurtre d’une journaliste : « …colérique, mais charismatique »… on évoque un profil obsessionnel et mono-maniaque.

Comment pouvons-nous accorder à ces profils, dans l’univers professionnel y compris, une valeur aussi positive ? Nous acceptons la reconnaissance parfois de « héros » qui n’étaient que des salauds domestiques.

Et oui, un bénéfice collectif narcissique vaut bien la souffrance de quelques-uns, moins visible et plus silencieuse.

Pourquoi alors accorder autant de pouvoir à cet individu toxique ?

  • Lorsque celui-ci est producteur d’une performance, et détenteur d’un savoir, il renvoie à cet archaïsme d’animal technique, qui renvoie à la prédominance de notre culture du savoir,
  • Il alimente une forme de culture sado-maso, construite sur le pouvoir de l’autorité et de son contrôle sur l’individu, en situation d’obéissance, et de soumission. Culture d’autorité assortie d’une menace de sanction, très en vogue jusque dans le système éducatif.

Cette fameuse culture de l’obéissance qui accorde au manipulateur un pouvoir, jusqu’à l’abus, accepté de manière passive.

Voilà un archaïsme structurel dans notre culture collective franco-française, aussi pleine de ressources individuelles, bien entendu.

Sans être forcément toxique, bien évidemment, la dimension technique nourrit notre culture narcissique, qui nous fait rechercher un renvoi d’image positive de nous-mêmes, alors que la dimension relationnelle pourrait brouiller ces codes de valorisation, et nécessiter un engagement plus impliquant.

Au-delà de la culture des outils et des systèmes, il y a la modernité de la relation de l’individu à ces outils et systèmes. Celle qui nous fait avancer vers un sens de l’engagement, de la responsabilité, et de la conscience, pour nous éloigner d’un schéma primaire de domination.

La massue préhistorique est devenue une arme sophistiquée, mais la structure mentale de ceux qui l’utilisent comme outil de menace, de domination, ou de destruction, n’ont toujours pas quitté l’antre de la caverne.

Et le système politique, au-delà des espérances des uns et des effets d’annonces des autres, n’est toujours pas sorti du fonctionnement de l’animal sachant et dominant, pervers et narcissique, pour envisager une modernité relationnelle plus équilibrée, plus responsable, et plus mature.

L’exemple ne viendra pas d’en haut. L’Institution patine dans les encombrements mentaux de ceux qui s’en emparent, reproduits par un système éducatif d’élite qui s’assure de la répétition du schéma.

A chacun son chemin de modernité, au-delà des images, vers un réel plus constructif, et probablement plus satisfaisant, sur le long terme.

Le Guetteur

31 août 2017

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